Comment en suis-je arrivé là ?
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Par accident ?…Peut-être ? Peut-être pas.
Vous connaissez ça. Il arrive des moments dans la vie où les choses se mettent en place comme par magie. Un peu comme les morceaux d’un puzzle qui semblaient inconscilliables et qui, tout à coup, s’agencent pour former une totalité cohérente.
Dilués dans le temps, en apparence, il y a eu des jalons de posés, à droite, à gauche.
Je vais faire le chemin à rebours… Fouiller un peu dans ma mémoire.
D’abord la chorale à six ans. Pas une mince affaire pour moi à priori de m’intégrer au groupe. J’avais les foies. Me confronter à toutes ces personnalités, à tous ces enfants et adolescents plus grands qui connaissaient déjà les codes que j’aurai à découvrir. Et pourtant, la révélation fut là. Une révélation liée à un ressenti tellement intense et libérateur de la puissance du choeur, de l’harmonie de toutes ces voix qui s’unissaient dans une même direction au service d’une œuvre jaillit d’une âme humaine sensible et créatrice.
Tellement beau.
Des instants magiques où l’on se dissout dans le groupe tout en restant soi-même porté sur les ailes du vivant.
A cette même période, durant les camps de vacances de la dite chorale où d’intenses périodes de liberté étaient encadrées par de longues heures de répétition, j’ai fait la découverte de l’artisanat et du processus d’apprentissage en autodidacte, guidé par la bienveillance de Louis de Menthon, le patron de la troupe. Un homme fascinant qui avait à cœur de transmettre. Il fait partie d’une espèce rare et remarquable, et m’a profondément marqué.
Je chemine encore avec lui parfois aujourd’hui bien qu’il ne soit plus de ce monde. Un de ces jours, je dresserai son portrait.
Une autre fois Louis, je rendrai à César…
De la petite enfance à l’adolescence, j’ai touché à beaucoup de formes d’expression : chant, écriture, dessin, peinture, modelage… Plus tard, le saxophone et d’autres instruments… C’était inscrit en moi comme une nécéssité vitale, un prolongement naturel de mon être.
Fin de l’adolescence. Entrée dans l’âge adulte.
J’ai appris la rigueur, parfois à mes dépends, en tant qu’artisan restaurateur de céramique ancienne.
Des années à écrire roman sur roman, dont un édité ( pas franchement un chef-d’oeuvre).
D’autres métiers encore …
Et puis, de manière improbable, ce qu’on envisage pas, ma démission d’un CDI m’a « accidentellement » mis au contact d’adolescent(e)s handicapé(e)s atteint(e)s de maladies rares : mucovicidose, maladie des os de verre… d’autres plus courantes. Bien que ce nouvel emploi accepté dans l’urgence soit des plus précaires, ce fut humainement, une nouvelle révélation sur mon parcours de vie. J’ai découvert une troupe de gamins et d’ados abimés, arnachés, trachéotomisés, avec toutes sortes d’appareillages servant à leur redonner un peu d’autonomie.
Une première appréhension : surtout ne pas gaffer pour ne pas les blesser.
Et tout de suite, ils m’ont mis dans le bain. « – Pas de pitié pour les miomio ! On veut être traité comme tout le monde ! » Et de me faire une démonstration de chambrage en bonne et due forme.
J’ai passé de grands moments en leur compagnie. Je pense notamment à Etienne (souffrant de Miopathie) avec qui j’ai joué deux années durant dans son groupe de musique pour le Téléthon. Lui au clavier malgré sa grande difficulté à bouger ses bras et ses mains, moi au saxo, et les autres « valides » guitaristes, bassiste, batteur, qui l’entouraient. Mais ça y allait ! Il ne ménageait pas ses efforts, et nous non plus. De très beaux et forts souvenirs.
J’avais enfin trouvé du sens au mot travail.
Cette expérience a duré trois ans et demi. Expérience riche et révélatrice de beaucoup de choses dont je ne savais pas encore bien quoi faire.
Durant cette période, en parallèle, un drame personnel surgit, soudain, brutal
En miettes, j’ai touché le fond. J’ai regardé au fond du gouffre. J’ai mis à jour beaucoup de colère, de tristesse…J’ai vu ma part de responsabilité et mes propres bassesses. J’ai eu honte de ça. Et lentement, j’ai émergé de ce chaos un peu plus solide et un peu meilleur.
Par la suite, au bout de quatre ans à travailler avec un chef d’entreprise pasionné, alors qu’il vendait sa boite pour aller suivre l’un de ses rêves, j’ai entrepris une reconversion pour me former à la musicothérapie au C.I.M. (Centre International de Musicothérapie).
La voie fut exigeante. Mise à nu face au miroir. Il fallait s’y coller. Aller voir ses parts d’ombre ou bien faire demi-tour. Ce fut une période intense, entouré de formateurs (trices) et de stagiaires animés par une même flamme. Une dynamique de groupe nerveuse, constituée de fortes personnalités, pas facile à gérer, mais souvent porteuse d’une richesse créative et humaine.
Et les pièces du puzzle se sont mises en place naturellement. La musique, l’écoute, l’accompagnement, la psychologie, l’empathie… Tout ce qui au long de ma vie m’avait fait traverser nombre de difficultés dans ma quête de sens et de vérité s’accordait enfin dans une évidence limpide.
J’étais de retour chez moi…
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Fabrice Torok Le 09/06/2022